En juillet de cette année, quand le Financieel Economische Tijd annonce qu'Opel Anvers est 'obligé d'embaucher', il ne fait de doute pour personne que la campagne Astra de McCann y est pour beaucoup, si pas davantage. Quand on arrive à faire une star d'une voiture prête à tirer sa révérence, on peut en effet tout espérer, même un miracle ! Et celui-ci méritait bien un Silver Effie. Mais commençons par le début...
En 1992, Opel lance l'Astra et lui confie une mission: réaliser 40% des ventes globales de la marque. Espoir déçu: les années '95 et '96 enregistrent respectivement une baisse de 5 et 9%. En 1997, c'est le verdict: elle sera retirée du marché l'année suivante et remplacée par une nouvelle Astra. Mais d'ici là, il s'agit d'élaborer une campagne capable d'enrayer la chute et de sauvegarder la part de marché qui est de 3,79% en 1996. Précisons à la décharge de l'Astra que, confrontés à la même situation, la plupart de ses concurrents européens subissent généralement entre 13 et 39% de baisse, comme le montre le tableau ci-dessous. Fin '97, le résultat de la campagne dépasse toutes les espérances: la part de marché s'élève à 4,66%, le deuxième niveau le plus haut jamais atteint par cet enfant d'Opel.
Ce succès n'est pas tombé du ciel...
En 1997, le segment est extrêmement compétitif et le principal concurrent de l'Astra n'est pas n'importe qui: ce n'est pas un hasard si la presse parle du 'segment Golf' ! Les six grands - Citroën, Ford, Opel, Peugeot, Renault et Volkswagen - se livrent donc une guerre sans merci, d'autant plus acharnée qu'au niveau produits, prix et marketing, ils se ressemblent à s'y méprendre. L'arrivée des nouveaux challengers Daewoo et Proton ne simplifie pas les choses, et que dire de la cannibalisation croissante du marché par les voitures d'occasion. Et comme le prochain Salon de l'Auto est prévu pour '98, il ne faut pas s'attendre à vendre grand chose fin '97 !
Il s'agit donc de trouver un concept assez puissant pour générer une image positive de la marque et drainer un maximum d'acheteurs potentiels chez les dealers. Il faut aussi valoriser le nom d'Astra, étant donné que le nouveau modèle gardera le même nom, et il faut en outre éviter tout dumping, source de connotation négative.
Mais comment présenter un produit condamné comme une alternative ? Par une campagne bâtie sur un avantage unique et concurrentiel. Par un message qui combine le rationnel et l'émotionnel: l'Opel Astra t'offre tout-tout-tout. Plus encore un extra, notamment le lecteur CD. Et tout cela à un prix 'tout compris'. Clair comme bonjour !
McCann ne lésine pas et utilise un large éventail de médias ('through the line'). La télévision et le cinéma pour créer l'impact visuel ('image boosters'), le Direct Mail pour attirer la cible chez les dealers, les magazines pour amplifier le message et la radio pour créer l'ancrage auditif. Quant au festival Jazz Middelheim, il se révèle l'occasion rêvée pour un sponsoring hors du commun.
Par cette approche, McCann assure une présence et un rayonnement exceptionnels, un trafic généreux et des ventes régulières pendant toute l'année.
Comme l'opinion des femmes s'avère de plus en plus décisive dans le processus d'achat, la campagne est ciblée tant sur les femmes que sur les hommes appartenant aux groupes sociaux 1-6, c'est-à-dire ceux qui ont le pouvoir d'achat requis. La tranche d'âge se situe entre 25 et 39 ans, une décision qui tient compte du positionnement des autres marques d'Opel: la Corsa vise un public plus jeune tandis que la Vectra concerne des acheteurs plus âgés.
Considérant la télévision comme le média le plus approprié, McCann en fait l'outil principal de la campagne et prévoit une fréquence intensive. A l'inverse de la campagne internationale d'Opel, les restrictions de segmentation sont adoucies par la stratégie créative: chacun des trois spots vise un groupe cible distinct. Les critères utilisés pour la segmentation sont d'ordre psychologique plutôt que socio-démographique.
L'action des médias de base est renforcée par des autocollants appliqués sur les vitrines des points de vente et la remise d'un CD Opel gratuit, cadeau qui fait référence au CD 'standard' de l'Astra. Les trois Opel qui participent au 24h de Francorchamps sont également utilisées comme support. Et pendant le rallye, une brochure est distribuée. Son message: 'va voir ton dealer Opel, écoute un CD de notre collection et emporte-le chez toi'. Enfin, un encart de 24 pages dans les magazines place la gamme complète d'Opel sous les feux de la rampe et consacre une page entière à l'Astra. Et partout, la stratégie du prix 'tout compris' est mise en évidence.
Les sondages ont révélé qu'après la campagne '97, l'Astra était clairement perçue comme une voiture ultra bien équipée, le lecteur CD étant considéré comme un extra très apprécié. Autre résultat positif: au mois d'août, c'est-à-dire sept mois avant l'introduction de la nouvelle Astra, toutes les 'anciennes' destinées à la Belgique étaient déjà vendues, soit 3.411 voitures ! Ce qui a contraint Opel à en commander 8.000 de plus à General Motors, la compagnie mère. Par ce bond en avant, Opel passe de la quatrième à la deuxième place dans la vente globale des voitures en Belgique, une position également favorisée par la vente des Corsa. Tout cela conduit à un constat des plus satisfaisants: si l'Astra était considérée comme une marque individuelle, elle serait même classée avant les BMW !
La ruée vers les points de vente est telle qu'il devient presque aussi difficile d'obtenir une Astra qu'une Mercedes de luxe. A tel point que la campagne a dû être interrompue à la mi-novembre, pour cause de rupture de stock ! Pas mal pour une petite vieille qui, avant la campagne, était perçue comme 'ennuyeuse, monotone, médiocre, rationnelle, traditionnelle'. Bref, une voiture sans charme. Et soudain, c'est tout juste si on ne dit pas qu'elle est sexy ! Dorénavant, Opel pourra autant parler de séduction que de qualité et de fiabilité.
Ce succès n'a en rien desservi la Corsa et la Vectra, dont les bilans se sont en effet révélés positifs. Pour l'agence comme pour le client, la recette a fait ses preuves: de la créativité de part et d'autre, de la souplesse et de l'audace. Et ce, en ne perdant jamais l'objectif de vue: obtenir des résultats commerciaux.
Dans cette aventure, les spots TV ont reçu leur part du gâteau: ils ont été nominés pour le London International Award et ont gagné les Low Budget Awards italiens. Et comme ils sont distribués au sein du réseau de McCann Worldwide, ils seront vus dans le monde entier.
Demain, parlera-t-on du 'segment Astra' au lieu du 'segment Golf' ? Bien qu'ils ne figuraient pas encore dans le dossier d'origine soumis au jury Effie, les chiffres mentionnés pendant la Remise des Prix Effie étaient révélateurs: dans l'arène sombre des ventes européennes, le petit marché belge détient un record. L'humour décoiffant des spots (la caissière blonde et le mouton 'Dolly') et surtout les chiffres, ont fait l'unanimité et ceux qui étaient présents à la Remise des Prix n'ont pas hésité à offrir le Prix du Public à l'équipe Opel et McCann. Elle s'est donc envolée pour New-York, invitée par les principaux sponsors de l'Effie à assister à la Remise des Prix Effie de la 'maison mère': l'American Marketing Association. Magnifique récompense pour une communication d'une exceptionnelle efficacité.
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