Effie 2023 : Aude Mayence, présidente du jury, tire un premier bilan


Pour les membres du jury Effie, l'été n'est pas seulement placé sous le signe des city-trips, de la mer ou de la montagne, mais aussi de la lecture des dossiers inscrits. Nous nous sommes entretenus avec Aude Mayence, présidente du jury, pour nous faire une première idée de la participation. Nous avons profité de l'occasion pour lui demander comment elle vivait la crise qui frappe Delhaize, en sa qualité de VP Maketing & Digital.

Comment envisagez-vous cette édition des Effie, à la lumière du nombre de dossiers introduits, de la qualité des dossiers et du panel d'annonceurs ?

Je suis avant tout impressionnée par le nombre de dossiers soumis qui répondent aux normes Effie (38 dossiers, NDLR). En termes de qualité, plusieurs dossiers sortent du lot. Beaucoup sont bien ficelés, mais quelques-uns ne pourront, selon moi, pas prétendre à un Effie Award. Je constate aussi que les candidatures sont très variées. Les secteurs bancaire, du détail, de l'automobile, de la mobilité, de la pharmacie, des FMCG et des télécoms sont tous représentés, mais il y a aussi des marques qu'on attend moins dans le cadre des Effie. Je pense à des associations comme museumPassmusées et DigitAll, ou encore à des éditeurs tels que Libelle (Roularta).

Quelles sont les grandes tendances qui se dessinent à la lecture des dossiers ?

Trois choses ont retenu mon attention. Tout d'abord, les participants se sont mis en quête d'insights locaux, et cela vaut à la fois pour les dossiers d'agences locales et pour les agences en réseau. Ils se sont efforcés de trouver des pistes pertinentes pour les consommateurs belges. Ensuite, on observe que le mix médias intègre de plus en plus souvent la dimension des influenceurs. C'est le cas chez les acteurs purement numériques, mais aussi dans le chef des marques plus traditionnelles, qui misent sur la portée et l'authenticité de certains influenceurs. Enfin, je constate une tendance à la durabilité. Dans certains dossiers, on ressent que l'annonceur oriente véritablement sa stratégie en ce sens et qu'il l'explique aussi clairement. Le thème de la durabilité revient davantage que les autres années. Dans la mesure où nous décernerons cette année une « Special Mention Sustainability », il s'agit d'une évolution réjouissante.

Effie 2023 : Aude Mayence, présidente du jury, tire un premier bilan

N'est-il pas question de greenwashing ?

Certains dossiers doivent être examinés d'un œil critique, mais il est rassurant de voir que cela ne revient pas dans tous les dossiers. Il s'agit d'une tendance émergente mineure. Je m'inquiéterais si tous les candidats commençaient subitement à parler de durabilité, alors que ce n'est pas pertinent pour leur dossier.

Y a-t-il un autre concept récurrent dans les dossiers, outre celui de la durabilité ?

Tout comme les autres années, le mot « croissance » revient régulièrement. C'est rassurant, car la mission du marketeer est de booster la croissance d'une marque. Nous nous trouvons, en outre, dans un contexte de forte inflation. De nombreux dossiers abordent et commentent ce point et se penchent notamment sur les pressions inflationnistes que subit la marque. Pour de nombreux annonceurs, le défi consiste à assurer une croissance saine, qui ne soit pas seulement dictée par la forte inflation.

À quoi le jury doit-il être particulièrement attentif ?

Les membres du jury doivent se concentrer sur trois éléments lorsqu'ils lisent un dossier. Premièrement, la cohérence du dossier. La description des objectifs au début du dossier doit correspondre aux résultats exposés à la fin. Deuxièmement, les membres du jury ne doivent jamais perdre de vue que les Effie mettent l'accent sur l'efficacité, tant en termes de créativité que de résultats. Il est donc impératif de répondre à la question « Qu'a réellement apporté une stratégie ou une campagne ? » Troisièmement, le dossier doit visiblement avoir été rédigé par trois parties : l'annonceur, l'agence de création et l'agence médias. Si vous avez l'impression qu'une seule de ces parties est à l'origine du contenu, c'est que quelque chose ne va pas.

Comment vivez-vous votre première année en tant que présidente du jury ?

C'est une expérience très enrichissante. Je pense notamment au briefing que j'ai pu donner au jury avec la vice-présidente Petra De Roos et la directrice Lydia Desloover. J'attends des membres du jury qu'ils portent un regard expert sur les dossiers. J'ai toujours trouvé cela fascinant lorsque je faisais partie du jury Effie. En tant que marketeer, j'ai tendance à lire les dossiers de manière plutôt linéaire : je commence par les objectifs et je termine avec les résultats. Les profils créatifs au sein du jury procèdent différemment et s'intéressent avant tout au volet créatif. Je suis convaincue qu'un créatif ne voit pas les mêmes choses qu'un spécialiste des médias ou un marketeer, et inversement. C'est la combinaison de ces trois perspectives qui permet d'apprécier un dossier à sa juste valeur. Cela nous permet d'obtenir une image très complète du dossier concerné.

La situation actuelle de Delhaize influence-t-elle la manière dont vous envisagez les dossiers et le travail des marketeers ?

Je ne pense pas que cela m'ait amenée à envisager les dossiers différemment. Il y a cependant deux choses essentielles à mes yeux. Tout d'abord, la marque se doit de situer clairement le contexte dans lequel elle opère. Cela aide à mieux comprendre les tenants et aboutissants. Lorsque je lis un dossier, je me demande donc toujours de quel secteur il est question, quels sont les défis, si un point de croissance est déterminant dans un secteur particulier… Par ailleurs, la marque doit aussi se montrer extrêmement transparente quant aux facteurs externes qui pourraient avoir influencé le dossier. Je pense notamment au covid ou à l'inflation. La marque doit être capable de situer le contexte en toute transparence. Il faut également admettre qu'une augmentation des ventes peut être due au fait que votre concurrent a moins investi dans les médias ou dans une campagne promotionnelle. J'étais déjà attentive à ces questions auparavant, mais après les complications survenues chez Delhaize, j'y porte encore plus d'attention.

Nous avons d'ailleurs beaucoup débattu en interne, chez Delhaize, pour savoir si nous devions introduire un dossier cette année. Nous avons finalement décidé de le faire (Delhaize a soumis un dossier sur les « P'tits Lions », une campagne qui date d'avant la crise, NDLR). Nous sommes des marketeers : même dans un contexte difficile, nous devons être capables de nous adapter. Un marketeer doit être présent dans les bons comme dans les mauvais moments.

Croyez-vous toujours en la marque Delhaize ?

Évidemment. Delhaize est une marque très forte, avec une base solide, qui peut encore plaire à beaucoup de monde. Nous réfléchissons actuellement à la manière de commercialiser la marque dans les années à venir. C'est un défi auquel un marketeer n'est pas souvent confronté dans sa carrière.

Nous pouvons donc nous attendre à retrouver Delhaize aux Effie l'an prochain ?

Nous avons introduit un dossier cette année. On peut donc logiquement supposer que nous le ferons aussi l'année prochaine. Nous avons lancé plusieurs campagnes en 2023, de manière très pertinente et subtile. Nous avons également expliqué pourquoi nous menions ces campagnes. L'idée est de revenir progressivement avec des campagnes de plus grande envergure. Nous réfléchissons en ce moment à ce que nous voulons changer et/ou conserver dans la perception de la marque.

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