Effie en coulisses : Marc Frederix

« Bien que je travaille dans le monde publicitaire depuis plus de 25 ans, depuis 1984, successivement comme Promotion Manager chez De Morgen, Client Service Director chez Gelder et Managing Partner chez Karamba, et que j'aie toujours admiré les Effie Awards, le suspense et le glamour des soirées de remise de prix ainsi que les articles fascinants parus sur les dossiers gagnants dans le Standaard, j'ai dû m'armer de patience jusqu'en 2007 pour accéder au panthéon de l'Award des Awards. D'abord en décrochant un Effie Gold avec EuroMillions, plus tard un autre avec Win for Life, puis en siégeant dans le cockpit de cette belle organisation.

Depuis, mon implication dans Effie est quasi permanente. J'ai rejoint le jury en 2009, avant d'en devenir président en 2012. Et depuis dix ans, je suis président de l'ASBL qui chapeaute les Effie Awards.

Ma première expérience en tant que juré a été plutôt déroutante, voire décevante. J'avais de grandes attentes et je m'étais préparé à plonger dans la stratégie de chaque dossier. J'étais armé d'arguments pour pouvoir débattre de chaque question. J'avais toutefois sous-estimé la dynamique du processus du jury. Tout dossier qui manquait d'un lien entre le défi marketing et la stratégie, d'une part, et la stratégie de communication et le concept créatif, d'autre part, était impitoyablement écarté. Un dossier dont les données de recherche n'étaient pas suffisamment étayées ou dont les consumer insights faisaient défaut n'avait aucune chance de remporter un entretien avec le jury, sans même parler d'une place en finale.

Je me souviens des débats homériques entre Dominique Vercraeye, alors membre du jury à vie et expert en recherche, et Guillaume Vanderstichelen, créatif de haut niveau, sur la pertinence des décimales dans l'analyse de l'efficacité. J'ai noté que si la majorité des dossiers étaient dignes des Effie, ils étaient souvent peu structurés et construits de manière confuse. Résultat ? La plupart des jurés perdaient le fil. En bref, un début en demi-teinte pour moi et un regret pour les efforts enthousiastes de nombreuses agences qui manquaient d'expérience pour élaborer un dossier clair, avec un lien entre les résultats et les défis marketing.

En tant que président du jury, j'ai décidé d'y apporter des changements importants. Pour ce faire, nous avons abandonné le formulaire d'inscription utilisé depuis des années et imposé par Effie Worldwide et avons apporté une structure logique à la manière dont un dossier devrait être construit et soumis. Mon idée se fondait sur les meilleures pratiques des lauréats Gold et était soutenue par des stratèges en marketing comme Marc Fauconnier et Bert Denis, ainsi que par des membres à vie du jury comme la fondatrice d'Effie, Josephine Overeem, et Dominique Vercraeye, qui n'hésitait pourtant jamais à démontrer son sens aigu de la critique à chaque discussion du jury !

Je me souviens très bien avoir présenté à Joséphine mon idée et la structure de base d'un nouveau formulaire d'inscription. Elle en a compris la pertinence et m'a félicité pour cette initiative, tout en précisant que "Dominique Vercraeye ne l'approuverait jamais". J'avais toutefois simultanément proposé mon idée à Dominique, qui s'est montré élogieux à l'égard de cette approche plus structurée : "C'est ce dont Effie a besoin, mais Joséphine ne l'approuvera jamais". Grâce à ces deux validations implicites, j'ai rapidement obtenu l'approbation des présidents du jury de l'époque, Luc Suykens et Chris van Roey pour cette amélioration, ainsi que celle du directeur d'Effie de l'époque, Michel Tubbax. C'est ainsi que nous avons adapté le formulaire d'inscription sur le site web. Cette approche a fait ses preuves. Aujourd'hui, nous travaillons toujours sur la base de cette structure de dossier !

En tant que président du jury, vous jouez essentiellement un rôle de lien entre les jurés et leurs différents profils, les publicitaires, les créatifs, les stratèges, les chercheurs et les scientifiques. Ce n'est pas toujours évident si vous souhaitez parvenir à un consensus sur un Gold ou un Grand. Jeter des ponts entre les cultures et les tempéraments, concilier des visions et des intérêts parfois contradictoires, convaincre les jurés francophones de la plus-value sociale et de l'impact en Flandre de projets tels que Music for Life et Warmest Week de Studio Brussel afin d'expliquer pourquoi ils valent un Gold, reprendre des CD qui soutiennent qu'une agence concurrente ne mérite finalement pas un Gold... À chaque discussion, la vie d'un président de jury s'avère instructive et fascinante.

Lorsque mon mandat de trois ans à la présidence du jury est arrivé à son terme, en 2015, je me préparais à dire au revoir à Effie. J'ai soudain reçu un coup de fil de Philippe Wallez, qui était alors président de l'UBA. Il m'a proposé de succéder à Christophe Mottint en tant que président de l'ASBL. J'étais très honoré de pouvoir poursuivre mon engagement auprès d'Effie et de donner quelque chose en retour au secteur, mais j'ai posé certaines conditions. Je voulais d'abord jeter un coup d'œil sur les comptes et, d'un point de vue juridique, m'assurer que tout était en règle au niveau des statuts et du conseil d'administration. Je n'ai pourtant jamais pu le faire, car quelques jours plus tard, j'ai été félicité en tant que nouveau président dès mon arrivée, lors de la cérémonie de remise des Effie Awards. Les statuts et la gouvernance de l'ASBL, les contrats manquants et la confection et l'approbation d'un budget en équilibre furent une priorité au cours des premiers mois de ma présidence.

En tant que président de l'ASBL Effie, vous devez garantir un pare-feu entre les intérêts de l'organisation et de ses parties prenantes, d'une part, et l'autonomie, la neutralité et l'objectivité du jury, d'autre part. C'est une séparation stricte sur laquelle j'ai toujours insisté et que je souhaitais également respecter au maximum en tant que directeur de l'ASBL. Bien que ce dernier n'ait aucun impact sur le travail du jury et l'évaluation des dossiers, il peut stimuler et créer une plus-value stratégique en gardant toujours à l'esprit, avec les membres du conseil d'administration, les intérêts d'Effie pour l'ensemble du secteur.

Avec Effie Canal, notre canal de communication en ligne, nous parvenons à sensibiliser aux meilleures pratiques en matière d'efficacité avérée des communications marketing, même au-delà de la compétition. Compte tenu de l'importance d'une stratégie efficace et intégrée des points de contact dans le cadre d'une stratégie de marketing et de communication, et de la complexité croissante des points de contact numériques, j'ai estimé qu'intégrer également l'UMA au sein de l'organe d'administration était une réelle plus-value afin de renforcer l'écosystème que nous représentons.

La directrice sortante, Lydia Desloover, a ajouté une autre dimension à la mission de l'Effie, ces dernières années, en se concentrant systématiquement sur l'augmentation de notre empreinte auprès des jeunes marketeurs pendant leurs études et les premières années de leur carrière. Je me réjouis de travailler avec notre nouvelle directrice, Caroline Vervaeke, pour intégrer le secteur de la recherche en tant que partie prenante manquante au sein de notre organe d'administration.

Après 20 ans dans les coulisses d'Effie, je trouve que cette aventure passionnante a plus que jamais un énorme potentiel pour repousser les limites en connectant tous les acteurs de l'écosystème. Et ce, dans le but ultime de renforcer le secteur belge du marketing et de la communication. »

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